Vendredi 8 mai 2015, 11 heures.
La saison estivale n’a pas commencé et l’aéroport de Poretta est presque vide, quelques voyageurs esseulés errent dans le terminal en traînant une valise derrière eux, glanant quelques restes de fraîcheur climatisée avant de plonger dans la touffeur déjà assommante du printemps corse.
Avec Pierre, mon associé, nous guettons l’atterrissage de l’appareil d’Air Corsica en provenance de Paris qui doit confier à nos bons soins Ellroy, sa femme, Helen Knode, également écrivain de polars, François Guérif, leur éditeur, et accessoirement idole de votre serviteur, et Aurélie Serfaty-Bercoff, attachée de presse de Rivages.

Un sentiment bizarre, où une fois encore l’excitation et l’inconscience sont mâtinés d’une pincée d’appréhension face à la folie d’un tel projet.
Toutes les possibilités que cela dysfonctionne se font jour dans mon esprit. Soudain, le doute. On a carrément réservé le Théâtre de Bastia, 800 places, grâce à l’efficacité de Frédérique Balbinot et la compréhension de Guy Cimino et de sa troupe, qui devaient être en résidence sur place au moment de la venue du Dog.
Le vivier d’amateurs de littérature, de polars, de curieux, est-il suffisant pour que nous, organisateurs, ne passions pas pour des idiots en livrant Ellroy à cent, ou deux cent personnes, dans un théâtre qui sonnerait désespérément vide?
D’autant que le 8 mai, jour férié entamant un week-end de trois jours, va peut-être éloigner les bastiais de la ville pour rejoindre les villages, ou les plages pour les premiers bains préservés des hordes de touristes. Et au-delà, la plus grande incertitude, qui pourrait de surcroît rendre plus douloureuse encore une assistance clairsemée, c’est Ellroy.
L’ogre qui terrorise les journalistes, néanmoins ravis de truffer leurs articles de détails croustillants sur ses sautes d’humeur, son irascibilité, voire ses menaces physiques. Quelques jours avant qu’Ellroy décolle d’Orly pour Bastia, c’est Frédéric Beigbeder qui a fait l’objet du courroux du géant chauve, alors qu’il dînait avec lui à l’occasion d’un entretien pour le magazine Lui. Plutôt de bon augure, paradoxalement.
James Ellroy se déplace précédé d’une réputation d’écrivain ingérable, et les commentaires venant de personnes l’ayant côtoyé lors de précédentes rencontres, en majorité des libraires et des organisateurs de festivals, ne manquent pas sur la page Facebook de la librairie, nous souhaitant bon courage et nous mettant en garde contre le Chacal.
Dieu merci, deux jours avant, Aurélie, qui elle-même ne l’avait jamais rencontré et se demandait comment le premier contact se déroulerait, m’avait confié au téléphone à quel point l’angeleno ultime avait était charmant et détendu. De toute manière, il était trop tard pour reculer. Advienne que pourra.
L’A-320 se pose enfin, et on tente de distinguer, au loin, parmi la file de passagers qui apparaît à travers les brumes de chaleur qui s’élèvent du tarmac, nos invités du jour. Une tâche qui s’avère bien plus aisée qu’escomptée lorsque se dessine sur fond de macadam une silhouette dégingandée, aux interminables jambes glissées dans un pantalon d’une blancheur immaculée, un panama beige négligemment posé sur le crâne. Un trench-coat mastic ne fait rien pour dissimuler à une chemise hawaïenne aux couleurs vives. On aurait été déçus.
-« Monsieur Ellroy, Bonjour, c’est un honneur de vous accueillir ». La poignée de main est franche, et pour le moins virile.
-« Call me Dog, Sebastian! ». Difficile de dire si c’est du cabotinage, de la bonne humeur ou un professionnalisme roué, rompu à donner à ses interlocuteurs ce qu’ils attendent de lui. Mais ce premier contact est encourageant. Et il y a toujours un côté midinette qui prend le dessus quand l’un de vos héros vous appelle pour la première fois par votre prénom.
François Guérif, l’homme à qui les amateurs français de polar doivent tout, Helen Knode et Aurélie montent en voiture et notre petit cortège met le cap vers Murato pour les rencontres avec la presse, un déjeuner et le début d’un périple de vingt-quatre heures au-delà de toutes les attentes.
S.B.
On y était ,venues d’Ajaccio ,pas à à Poretta mais au théâtre !!!!
Nous même, en faisant la route ,nous nous pincions ! On va à Bastia …voir Ellroy !
Et ,sans rire ,je me disais ,les mecs de la librairie ,ils doivent être dans un état pas possible …
Merci de nous raconter » le fameux état » , de nous faire revivre ce moment hallucinant d’improbabilité
Aussi ,site impeccable ,photos ,tout est trés bien! C’est la trés trés bonne news de l’été .
A plus Marie France
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Merci beaucoup! Le meilleur reste à venir, Ellroy lui-même, demain et après-demain, sera plus intéressant que nos atermoiements en l’attendant, promis!
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Merci pour ce blog.
Les premieres 60 minutes du Dog au théâtre de Bastia sont toujours dispo en ligne sur le blog http://www.corsicapolar.eu à cette adresse
http://scripteur.typepad.com/corsicapolar/2015/05/ecouter-voir-james-ellroy.html
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On va mettre le lien demain dans le passage au Théâtre, pour que ceux qui n’étaient pas là puissent goûter à l’ambiance.
Thanx, Jean!
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